Les fêtes et les chants de la révolution française

18 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

entière le ressentit. Non seulement le Champ de Mars contenait, avec le peuple de la capitale, les représentants des quatre-vingt-trois départements, mais en même temps les quatre-vingt-trois chefs-lieux réunissaient dans un but semblable les délégués de leurs communes: et, dans ces communes mèmes, jusqu’au fond des plus humbles villages, les habitants qui n'avaient pu porter au loin leur hommage étaient rassemblés, dans la même pensée et pour le même vœu. De telle façon qu'à cette heure inoubliable, tous les habitants de la France, dans un entraînement irrésistible, prètèrent le même serment. Quel serment? Certes, beaucoup eussent été embarrassés d’en dégager nettement l’idée; mais à coup sûr elle était pure et grande, comprenant des aspirations vagues d'amour de l'humanité, de rénovation, d'indépendance, parmi lesquelles se précisait le sentiment d'unité de la patrie.

Une chanson, bientôt populaire dans toute la France, fut la première manifestation lyrique de cet élan des cœurs. Elle naquit spontanément des circonstances. La fête ne s'organisait pas sans difficultés :’ cette réunion imposante des citoyens de la France entière, cette invasion de la capitale par une foule immense, venue de partout et sur les intentions de laquelle on pouvait se méprendre, effrayait les politiques. Ils tentèrent d’'enrayer, mais en vain : quelle force eût été capable d’arrêter un élan pareil? Le peuple opposa une résistance tenace, et qui ne désespéra jamais. « Ça ira! », répétaitil sans cesse. Et sur ce mot, associé à un air en vogue, se fit une chanson au son de laquelle se prépara la fête, el qui, jusqu'à la Marseillaise, resta le principal chant de ralliement de la Révolution.

Le Champ de Mars avait été choisi pour le lieu de