Les fêtes et les chants de la révolution française

20 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Le titre, répondant aux préoccupations du jour, atteste à lui seul que l'air était dans sa nouveauté. On a dit, répété même avec complaisance, que Marie-Antoinette aimait à le jouer sur son clavecin, si bien que la foule, défilant devant les Tuileries, le saisit au passage et le porta tout droit au Champ de Mars; mais, tout bien considéré, il apparaît que c'est là encore une de ces histoires faites après coup qu’il vaut mieux ne pas retenir. Renoncons donc à attribuer à la reine, protectrice de Gluck, aucune part à la production du Ça ira 1!

Quant aux paroles, c’est, à ce qu'il me semble, chose bien oiseuse que de s’attarder à en chercher l'original et l’auteur. A vrai dire, les paroles du Ça ira, cela n'existe pas — du moins en tant que chanson populaire. Il n’y à, dans cette chanson, que deux choses qui comptent : l'air, de style essentiellement instrumental, nullement fait pour être chanté, et les deux mots répétés du refrain. Pour ceux-ci, des contemporains dignes de foi ont rapporté qu’ils étaient entrés dans le jargon du peuple de Paris par imitation d’un propos familier de Franklin, lequel, quand on lui demandait ce qu’il pensait du succès de la révolution américaine, répondait obstinément : « Ça ira! » Les trois syllabes de ce dicton s'adaptent parfaitement au rythme de l'air de danse : Si le quelconque gamin de Paris qui eut le premier l'idée de les chanter ensemble avait eu le soin de conserver son

l. Le regretté Gustave Isambert, dans une Histoire du « Ca ira » qui est ce que l’on a écrit de mieux sur ce sujet (la Révolulioh française du 1% juin 1899) raille avec esprit les écrivains qui ont bénévolement accueilli ce propos : « Le Ça ira qu’on aurait hurlé sur l’échafaud de Marie-Antoinette et qui lui aurait rappelé cruellement le temps où elle aimait à jouer sur son clavecin la contredanse de Bécourt, — un effet de contraste que plus de trente littérateurs, à ma connaissance, se sont pieusement transmis ». Je prends bien volontiers pour moi la part qui me revient légitimement dans cette aimable ironie!