Les historiens allemands de la Révolution française

948 REVUE DES DEUX MONDES.

qu'au mois de janvier 1791 le ministre de Prusse, M. de Goltz, soit chatgé d'offrir à Louis XVI une armée de quatre-vingt mille hommes pout rétablir l'ordre en France comme la Prusse l'avait déjà fait naguère en Hollande? Il répond à tout cela par des lettres secrètes, par des dépêches contradictoires, par le va-et-vient des conversations, qui prouvent uniquement les incertitudes, les peurs, les difficultés de $’entendre. En effet, les vieilles rivalités, les antipathies personnelles, les rancumes de famille, se mêlent encore chez les souverains à leur horreur de la révolution et en retardent l'explosion. C'est à une tradition de ce genre qu'obéissait la fille de Marie-Thérèse lorsqu'elle fit rejeter l'offre de la Prusse. A la fin, la haïne de la révolution l'emporte, et la convention de Pilnitz (1) apprend au monde qu'après un demi-siècle d'inimitié les maisons d'Autriche et de Brandebourg se sont réconciliées contre nous en même temps qu’elle avertit la révolution que Léopold IT et Frédéric-Guillaume vont « travailler de concert à mettre le roi de France en état d’affermir dans sa pleine liberté les bases d'un gouyernement monarchique également conforme au droit des souverains et au bien-être de la nation française, et qu'en attendant leursdites majestés donneront à leurs troupes les ordres convenables pour qu’elles soient prêtes à se mettre en mouvement, »

La France, qui ne voyait pas aussi clair que M. de Sybel dans le cœur des souverains, qui ne lisait pas leurs dépèches secrètes et n'était pas au fait de leurs indécisions, forcée de se conduire à la simple lumière du sens commun et de la vraisemblance, devait prendre au sérieux leurs démonstrations et s’armer au plus vite pour prévenir l'ennemi. Elle y était d'autant plus obligée que les souverains avaient des instigateurs bien impatiens, au dehors les émigrés, à l'intérieur la cour, la noblesse restée en France, le clergé. On à bientôt fait de déclarer ridicules ou purement simulés les soucis qu'une poignée d'émigrés causait à la révolution, de taxer de mesures démagogiques ou de défis calculés pour rendre la guerre inévitable toutes les démarches du gouvernement français. Ïl est très permis de penser que, parmi ces mesures, prises sous l'inspiration de la colère, plusieurs étaient contraires à la justice et surtout n’étaient point d’une politique prudente; mais elles procédaient d’une agitation trop justifiée par l'état de choses pour n'être pas sincère. Il n’y à plus moyen d’en douter aujourd’hui, les ennemis de la révolution et de la France avaient des intelligences jus-

= qu'avec le chef du gouvernement. Dès la fin de 1790; Louis XVI appelle les puissances étrangères à sOD Secours (2), et c'est six mois

(4) 27 août 1701. (2) Lettre au roi de Prusse en date du 99 décembre.