Les historiens allemands de la Révolution française

922 REVUE DES DEUX MONDES.

gner ceux qu’elles frappent, séparer le fait du droit'et la justice de ses formes, en un mot chercher leurs motifs et leurs règles dans l'intérêt suprème du salut de l'état, dont alors ils sont uniquement responsables, c'est ce qu’on ne peut nier après avoir lu l’histoire et assisté à la plus terrible de ses leçons, à moins qu'on ne prétende d’une manière générale et absolue qu'il est prescrit aux nations de descendre au tombeau plutôt que de s'écarter un seul instant d'aucun des principes, d'aucune des formes établies dans d'autres temps et

our un autre but. » Ces paroles de M. Poyer-CGollard, si graves qu'elles soient, peuvent ne pas convaincre quiconque craint pardessus tout d'ouvrir à la société la carriere des sanglantes aventures; mais, M. de Sybel fat-il de ceux-là, rien ne l’autorisait à donner pour l'exécution d'un système général et permanent des mesures de salut publie. Rien ne l'autorisait non plus à chercher la vraie pensée de la révolution dans des discours dictés par la passion ou le délire; lorsqu'il trouvait le principe de la propriété inscrit et proclamé dans la constitution girondine et même dans celle de la montagne, rien ne l'autorisait à exhumer, pour en trouver la négation, quelques discours d'énergumènes, et à présenter quelque absurde théorie éclose dans l'atmosphère malfaisante de la commune ou des cordeliers comme la seule expression vraie des idées de la révolution voulue et accomplie par la France. Étrange méthode, il faut bien le dire, que celle qui conduirait à chercher le véritable esprit de la réforme dans les folies des anabaptistes, celui de la révolution d'Angleterre dans la doctrine des niveleurs, celui de la démocratie florentine dans le programme des compi où dans les idées de Gampanella !

L'esprit de la révolution, les idées qui lui ont servi de point de départ, qui lont le plus souvent dirigée dans son cours et qui constituent ce qu’elle à laissé de permanent et de durable, ces idées, expression d’un idéal de justice que le monde n’avait point connu, sont, il faut l’affirmer hautement, les seuls principes conservateurs des sociétés modernes. Si l’on consulte les vrais organes de la révolu tion au lieu de s'attacher à des aberrations qui n'ont manqué en

- aucun temps, on avouëra que pas un des principes constitutifs du droit et dela société, ni la propriété, ni la liberté des transactions, ni l'inviolabilité des croyances, ne fut jamais sérieusement mis en question. M. de Sybel a raison de dire que les révolutions politiques dans le sens étroit du mot ne sont jamais l’œuvre et le vœu que d'un petit nombre; les couches inférieures du peuple, dont l'explosion prête aux révolutions leur force volcanique, ne se soulèvent que par l’action de moteurs plus puissans et plus simples; il n'y a pas eu de grande révolution qui n’ait été une révolution