Les hommes de la Révolution

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bien! vous l’avez vue ? » lui dis-je. Comme je disais autrefois à cet abbé Landreville, et je me surprenais à le regarder comme s’il fût resté sur ses habits, sur toute sa personne quelque chose de toi... O ma chère Lucile, j'étais né pour faire des vers, pour défendre les malheureux, pour te rendre heureuse, pour composer avec ta mère et mon père et quelques personnes selon notre cœur un Otaiti. Tu diras à Horace, ce qu'il ne peut pas entendre, que je l'aurais bien aimé Adieu Lucile! Adieu, Horace! Je ne puis vous embrasser, mais aux larmes que je verse, il me semble que je vous tiens encore contre mon sein...»

L'homme qui écrivit de telles lettres a pu commettre bien des fautes; le malheur qui l'atteint, les accents de sa douleur lui valent le pardon de la postérité. ;

Le 5 avril 1704, les Dantonistes furent conduits à l'échafaud. Danton se montra dédaigneux. Mais Camille retrouva toute sa rage et son désespoir. Il s'écriait: «Est-ce bien moi que l'on conduit à l'échafaud? Moi qui ai donné le signal de courir aux armes le 14 juillet?» La foule demeurait silencieuse. Camille continuait: «Peuple, pauvre peuple, on immole tes meilleurs défenseurs.» Et il déchirait ses vêtements, s'enfonçait les ongles dans la poitrine. Alors Danton, méprisant : « Reste-donc tranquille et laisse là cette canaille. » Un instant après, Camille rencontrant le buste de l'Ami du peuple, s’écria : Oh! si Marat existait encore, nous ne serions pas ici.» (1) Peu après, de-

(1) Esquiros (Histoire des Montagnards), raconte que la sœur de Marat, lui disait, en 1836: « Si mon frère eût vécu, les têtes de Danton et de Camille Desmou.

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