Les serviteurs de la démocratie

172 - SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

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Garnier-Pagès, né en 1801. à Marseille, se prépara de bonne heure aux luttes de la politique. H vint à Paris, sous la Restauration, avec un frère plus jeune que lui et qui devait être, en 1848, membre du Gouvernement provisoire. Les deux frères s’aimaient beaucoup. Le jeune avait, pour son aîné, une admiration et une déférence touchantes. Il lui dit: « Toi, reste à Paris pour faire notre nom; moi, j'irai en province essayer de faire notre fortune. » C’est un des mots les plus exquis de la fraternité humaine. Les choses s’accomplirent comme le voulait Garnier-Pagès le jeune. Le premier des frères illustra le nom, le second conquit alors pour eux deux lindépendance matérielle.

Distingué comme avocat, Garnier-Pagès l'aîné, affilié très jeune aux sociétés secrètes et à la franc-maçonnerie, fut choisi comme député par le département de l'Isère. Il arriva au parlement pour y représenter un parti qui n'existait guère alors : — le parti républicain! Tout d’abord les journaux monarchiques essayèrent de tourner en ridicule ce député seul de son espèce. Garnier-Pagès ne se laissa pas plus émouvoir par ces attaques, qu’il ne se laissait effrayer par sa solitude. — J'ai avec moi l'avenir, répliquait-il à ceux qui le raillaient sur son isolement. Une autre fois, à la tribune, il s’écriait avec autant de grâce que d'esprit : « Je suis député et je ne veux pas être ministre. Je n’ai qu'une fonction, mais elle vaut mieux qu'un minis-