Les serviteurs de la démocratie

178 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE _ manières réservées et hautaines. On cite de Jui un mot très hardi au général commandant l'École :

« Monsieur, lui avait dit celui-ci, votre indiscipline nous obligera peut-être à vous renvoyer à l’aune de monsieur votre père. — Mon général, reprit Carrel, si jamais je reprends l’aune de mon père, ce ne sera pas pour mesurer de la toile, »

Il sortit de Saint-Cyr sous-lieutenant au 29° de ligne. À peine arrivé au régiment, il ne tarda pas à se convaincre qu'il n’était point fait pour être un des soldats de Ja Restauration. Il fallait alors, pour être bien vu et monter en grade, être partisan de l’ancien régime et faire étalage de dévotion. L'indépendance de caractère, la capacité, l'esprit d'examen constituaient souvent dans l'armée de mauvaises notes; d’ailleurs, la Restauration - offrait l'exemple public de l'intolérance el de la persécution à l’égard des anciens officiers de la République et de l'Empire. Le drapeau tricolore était proscrit, proscrits aussi, sous prétexte de régicide, les glorieux survivants de la Convention. Au contraire, on voyait se pavaner, couverts. de décorations et de galons, les émigrés de Coblentz qui avaient porté les armes contre la patrie et s'étaient joints aux étrangers envahisseurs de la France.

En présence de pareils faits, on ne s'explique que trop l'illusion où tombèrent les Jeunes pairiotes et les écrivains libéraux de ce temps-là. Ils confondirent l'Empire vaincu par les étrangers qui protégeaient la Restauration bourbonienne avec la Révolution et Ja France elle-même. Carrel approuva la plupart des conspirations militaires qui se produisirent de 1815 à 1830. Il fit plus, au moment de Ja guerre d'Espagne il ne craignit pas d’aller combatire sous le drapeau tricolore relevé par les libéraux espagnols contre le