Les serviteurs de la démocratie
62 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE
[II
Pour se délasser de ses procès et de ses affaires, Beaumarchais composa des drames et des comédies: ses drames ne valent pas grand’chose: ses comédies sont immortelles.
La première, bien connue sous ce titre : le Barbier de Séville, fut complétée par une suite intitulée, Le Mariage de Figaro.
Dans ces deux admirables comédies et ee ment dans la seconde, l'ancien régime est bafoué. La justice a pour représentant Brid'oison, l'homme de la fé6rme ! La noblesse s’incarne dans Almaviva, jeune seigneur aussi élégant que léger. Le clergé, c’est. Bazile, le grand-prètre de la calomnic: afin de mieux flageller toute cette société corrompue où les chérubins ont leurs marraines pour maîtresses, Beaumarchais invente un personnage qui lui a survécu et qui ne mourra jamais — Figaro. Ce barbier espagnol, moitié laquais, moitié littérateur, dit à tout ce monde du xvin siècle de sanglantes vérités. Quelle trouvaille que la pensée de Figaro décrivant ainsi le favoritisme politique : « Pour remplir cette place il fallait un calculateur, ce füt un danseur qui l'obtint. » Et quelle fine satire des adversaires de la liberté de la presse il y a dans ces mots si souvent cités: « Ce sont les petits hommes qui redoutent les petits écrits. »
Beaumarchais n’arriva pas sans difficultés à faire représenter tette comédie aux allures audacieuses et aux mots à l’emporte-pièce. 11 lui fallut, raconte-t-il, dépenser plus d'esprit qu'il n’y en a dans toute sa