Livre d'or des officiers français de 1789 à 1815 : d'après leurs mémoires et souvenirs

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sonne et les fit ses aides de camp. J’eus l’occasion de reconnaitre, en cette circonstance, le degré de sensibilité de cœur de Savary. A la fin de la bataïlle, au milieu de ma grande batterie, il me demanda où était le général Kellermann, auquel il portait des ordres, et je le lui indiquai. Le lendemain, causant avec lui de la mort du général Desaix : « C'était pendant que je vous parlais hier que cela s’est passé, me dit-il; quand je suis revenu et que je l’ai trouvé mort, jugez quelle a été ma sensation; et je me suis dit tout de suite : « Qu'est-ce que tu vas devenir? » Quelle naïveté et quelle candeur dans l'égoïsme?

(Maréchal MarmoxT, Mémoires, t. IT, p. 140.)

En 1807, le général Savary reçoit de Napoléon Ier 100,000 francs en argent et 100,000 francs en rentes sur

VEtat. (Correspondance de Napoléon EF", t. XVI, p. 53.)

Le Général SOLIGNAC

Pendant la campagne d'Italie Solignac n'avait pas eu d'avancement, mais il avait escompté ses services à un autre taux et rapportait dans sa voiture 400,000 franes en or. Cette somme, fort respectable en tout temps, était tout à fait considérable à cette époque; pour Solignac, né de parents très pauvres qui n'avaient pu lui donner aucune instruction, c'était une fortune magnifique. Un jour que Burthe et moi nous le félicitions de la position dans laquelle il se trouvait : « Vous croyez donc, nous répondit-il avec dédain, que j’attache un grand prix à cet argent? Détrompez-vous. Quand on a su le gagner (nous n’osâmes rire de l'expression), on sait le perdre, parce qu’on sait le regagner. Ainsi demain il ne me resterait rien de cette prétendue fortune qu'après-demain j'en aurais une autre.» Il tint parole, perdit au jeu plus qu'il n'avait, et, pour le reperdre encore, regagna plus qu’il n'avait perdu.

(Général THIÉBAULT, Mémoires, t. IV, p. 132.)