Livre d'or des officiers français de 1789 à 1815 : d'après leurs mémoires et souvenirs

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Le 23 juin 1809, dans une longue lettre, Joseph dit à Napoléon : « Votre Majesté ne se doute pas que, depuis plus d’un mois, je fais poursuivre dans les montagnes, sur les frontières de la Castille et de l’'Estramadure, par des détachements, des troupeaux de 7 à 8,000 mérinos conduits par nos soldats du 1e corps d'armée devenus bergers pour le compte de quelques généraux qui les dérobent ainsi à leurs drapeaux et les mérinos à leurs propriétaires. »

Du Casse. Supplément à la Correspondance de Napoléon r°*, note, p. 127.

Il aurait fallu des événements extraordinaires pour interrompre la partie de cartes de ces messieurs.

« Nous eûmes le spectacle affreux (1) de l’agonie d’un soldat français au service d'Espagne. Le maréchal était dans une chaumière et son escorte et nous au bivouac, sur la place qui était très petite; il y avait devant un feu éteint ce malheureux, qui avait plusieurs blessures très graves ; je le questionnai cependant et il me répondit tout juste. Il était là depuis cinq jours sans secours ni nourriture ; je lui amenai le chirurgien qui lui trouva le tétanos et le jugea sans ressource, de sorte qu'il resta agonisant au milieu des hussards qui faisaient leur soupe, de nous qui riions en faisant un 30 et 40. Le lendemain il était mort. »

Duc de SaiNT-SIMoN (2) {Carnet de campagne du).

De plus, les officiers ont toujours eu grand soin de leur petite personne.

(x) En 1857, la cruauté de ces braves trouva amplement à se satisfaire, La nuit du 4 au $ décembre 1851 fut, sur plusieurs points, une véritable orgie : le ciloyen Domingé, ex-membre de l’Université, vit de ses yeux les lanciers boire et s’enivrer sur les boulevards à côté de mares de sang et de débris humains qu’on n'avait pas encore enlevés... Un officier de tirailleurs de Vincennes, ivre-mort, brandissait son sabre en demandant des socialistes à exterminer. — Schælcher. Histoire des crimes du 2 décembre, t. I, p. 287.

Le même jour. des soldats dispersaient les passants les plus inoffensifs sans cependant chercher à blesser les femmes quand un officier de spahis qui se trouvait là leur cria : « Vous n’y entendez rien, ce n’est pas ça; tirez aux femmes, tirez aux femmes! » — Id. t. I, p. 293.

(2) Carnet historique et littéraire, année 1889, p. 248.