Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

24 LORD CASTLEREAGH ET LA COALITION EUROPÉENNE.

vait de ses procédés tortueux et de ses prétentions démesurées. On se fût volontiers débarrassé d’un auxiliaire aussi incommode. Gependant Bernadotte avait de puissans appuis. L'empereur Alexandre n'oubliait pas que le prince royal de Suède avait été un moment son seul allié sur le continent, il se croyait obligé d'honneur à tenir les engagemens qu'il avait pris avec lui à cette époque, et peut-être l'eût-il vu, sans trop de déplaisir, monter sur le trône de France, dont on prétend qu'il avait fait luire à ses yeux la brillante perspective dans un temps où il voulait se l’attacher à tout prix. Bernadotte d’ailleurs, bien que sorti de la révolution française, avait en Suède une existence indépendante des chances futures de cette révolution : c'était librement et jusqu'à un certain point malgré la volonté de Napoléon que la nation suédoise l'avait choisi pour la tirer de l’abîme où l'avait précipitée un prince en démence, et il avait déjà assez bien réussi pour qu’elle se fût sincèrement attachée à lui.

La coalition venait de se renforcer d’un autre personnage dont la position, analogue en apparence à celle de Bernadotte, était bien différente en réalité. Le roi de Naples, Joachim Murat, beau-frère de empereur des Français, aussi faible, aussi irrésolu dans le conseil qu'intrépide sur le champ de bataille, était entré depuis plusieurs mois en rapports secrets avec les alliés. Pendant la campagne de Saxe, en même temps qu'il commandait avec son héroïsme ordinaire la cavalerie de Napoléon, Murat recevait et écoutait les émissaires de ses ennemis. Entraîné par son ambitieuse femme, il s'était enfin décidé à accepter les propositions de l'Autriche, et un traité conclu avec cette puissance lui avait garanti non-seulement la possession de ses états, mais un accroissement de territoire aux dépens des états de l’église, Son accession avait en ce moment une importance qui fait comprendre qu'on eût cru devoir la payer aussi chèrement : en restant fidèle à Napoléon et en joignant ses armes à celles du prince Eugène, vice-roi d'Italie, qui se soutenait sans trop de désavantage dans les provinces vénitiennes contre une armée autrichienne, il lui eût assuré une telle supériorité, que les Autrichiens, suivant toute apparence, auraient été obligés d’évacuer l'Italie, et que peut-être Eugène eût pu faire, en France même, une diversion décisive contre les alliés. Par le fait de la défection de Murat, la position du vice-roi semblait au contraire devenir désespérée. Aussi l'Angleterre, malgré les liens qui l’unissaient à l’ancienne famille royale de Naples, réfugiée depuis huit ans en Sicile sous sa protection, malgré la profonde répugnance qu'elle éprouvait à entrer en arrangement avec un prince tel que Murat, ne crut-elle pas devoir s’opposer à une combinaison qui promettait à l’alliance d'aussi grands avantages. Lord William Bentinck, qui commandait les forces anglaises employées en Sicile et en Italie, recut l’ordre de conclure une suspension d’armes avec