Mémoire sur la Bastille
L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 229
« et si l’amitié d’un citoyen honnête est de quelque « prix à tes yeux, reçois celle que je te voue en « ce moment et jusqu’à mon dernier soupir:. »
Nous priâmes le jeune Geudin, âgé de dix-sept ans, et maintenant soldat volontaire de la Bastille, de parler à son tour. « Ah! Messieurs, vous figurez-vous combien je fus malheureux quand je vis toute la ville courir à la Bastille : on y vouloit tout tuer, tout renverser; et mon père et mon oncle étoient dans la forteresse.
« Dieu m’a conduit, il m’a dit: « Prends un fu« sil, et va te mêler aux combattans. » Hors de moimême, jai pris un fusil ; j’ai fait... comme les autres. Le premier pont est forcé, on alloit bientôt forcer l’autre. O mon père! ô mon oncle! C’est bien ici, Messieurs, que la voix de Dieu s’est fait entendre! Je lui obéis pour la seconde fois : je cours chercher une redingote, un tablier et un grand chapeau.
« De retour, je parvins à reprendre ma place. Le dernier pont passé, je me précipite. J’aperçois mon oncle, qui me montre mon père : on tiroit encore, et je tremblai pour ses jours. Je l’aborde;
1. M. Peillon nous a déclaré, depuis que cet article est écrit, que M. Gaillard, sur le lieu même où il l’avoit délivré, lui avoit dit les choses les plus tendres; mais que les paroles précédentes lui avoient été adressées par un brave homme qui l’avoit puissamment secondé, par M. Chaumerville, négociant. (Dusaulx.)