Mémoire sur la Bastille

258 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

« Et vous, Monsieur, si vous continuez surle même «ton, je vous déclare que l’un de nous va bientôt «tomber dans ce fossé. » De Launey se tut.

« Alors la sentinelle qui étoit avec eux sur cette même tour vint leur dire que l’on se préparoit à attaquer le gouvernement; qu'il n’y avoit point de temps à perdre; et il conjura M. de La Rosière de se montrer. Ce député s’avance sur le rebord, et de nombreux applaudissemens partent du jardin de l’Arsenal.

« Ensuite il jette un coup d’œil sur les canons : on les avoit retirés des embrasures, et ils en étoient environ à quatre pieds; mais on les avoit laissés en direction, et il remarqua qu’on les avoit masqués.

« Descendu de la tour avec le gouverneur, il le presse de nouveau, lui et ses soldats, d’obéir à la nécessité. « Mieux encore, leur dit-il, obéissez « aux ordres de la patrie, dont je suis organe. »

« Les soldats cédoient; mais leur chef, éperdu de ce qu'il venoit de voir et d’entendre, tantôt les retenoit et tantôt hésitoit. M. de La Rosière, pour ne pas perdre un temps si précieux, prit le parti de se retirer, d’abord vers son district, ensuite à l'Hôtel de ville.

« Quelques soldats citoyens, ignorant sa mission ou le prenant pour un traître, le suivirent la hache haute et toujours prêts à le frapper ; il auroit été