Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

ITALIE ET DALMATIE 99

lais, notamment les premiers, sont des peuples qui font uniquement leur métier de la guerre, et habitent les montagnes du Monténégro qui dominent les Bouches du Cattaro. Toujours ils sont en guerre avec les Tures leurs voisins, dont ils ont toujours fait peu de cas. Habillés comme des barbares, et armés de fusils, pistolets et couteaux, ils sont d'autant plus dangereux qu'ils gravissent et descendent les rochers avec une vitesse incroyable, tirent très juste, et, à la manière turque, coupent impitoyablement les têtes de leurs ennemis blessés ou prisonniers.

Ces peuples, soutenus par les Russes, ayant assiégé Raguse, il n’en fallut pas davantage pour répandre la

consternation dans tout le pays. Les habitants des campagnes se sauvaient par bandes et se cachaient dans les rochers, tant était grande la frayeur que leur inspiraient les Monténégrins.

Dans une pareille circonstance, il importait de monter l'esprit de nos. soldats, assez aguerris à la vérité, mais qui étaient peu faits pour la plupart à la manière de faire la guerre avec des barbares semblables. Je ne leur dissimulai donc point à quelle espèce d'hommes ils auraient affaire, et le danger qu'il y aurait de faire le moindre pas rétrograde dans l'expédition que nous allions entreprendre. Tous me promirent de ne pas reculer, et tinrent parole.

Pendant les huit jours que nous restämes à Stagno, pour nous organiser et prendre des renseignements, le général de division usa d’un stratagème qui réussit parfaitement, et fit peut-être plus que tout le reste pour nous faciliter le déblocus. Il paya généreusement un paysan qu’il chargea d’une lettre pour le général Lauriston, à Raguse, lettre dans laquelle il le prévenait