Mémoires politiques et militaires du général Doppet, contenant des notices intéreffantes and impartiales sur la révolution française, etc.

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être en effet arrivé de cette maniere: cependant ; quand on réfléchit que le général que j'avais laiflé à Campredon avec deux mille cinq cents hommes, fe crut preflé de maniere à devoir jeter nos canons dans la riviere ; quand on réfléchit que, pour regagner la Cerdagne, il prit à la hâte fon chemin par les montagnes les plus difficiles | & qui étaient encore couvertes de neige; quand on obferve que les caiffes de cartouches, que nous trouvâmes dans les rues, étaient des cartouches de nos magafins ; quand on obferve que les vingt mille rations de pain, que nous retrouvâmes dans l’églife, étaient de notre pain même; tout cela pourrait faire préfumer que ce général crut devoir incendier Campredon pour occuper l'ennemi à éteindre l'incendie pendant qu'il ferait fa retraite.

Mon intention n’eft pas d’accufer cet oflicier général ; car il n’eft pas au pouvoir de tous les militaires de faire des calculs froids & juites dans le moment d’une attaque. On peut être brave & bien attaché à fa patrie, fans avoir la réflexion de l'à-propos qui fert fouvent à tirer un général d’un pas difficile.

Ce général, fachant que je n'étais qu'à une petite journée de lui, ne devait-il pas faire la plus longue & la plus vigoureufe défenfive ? El n’ignorait pas que Campredon était mon pañlage pour revenir de Ripoll; & s'il fe voyait forcé d’évacuer cette ville, il femble qu'il devait feulement: fe retirer fur quelque hauteur pour être à: portée, quand j'arriverais, de venir m'aider àreprendre ce pofte, ou au moins m'aider à for-