Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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trine qui, des plus vitales et des plus sociales des vérités, y compris la liberté, ne faisait que néant? Rien, si ce n’est en exciter et n’en pas contenir l'élément brutal et violent, que certes, avec son fatalisme, son égoisme et son athéisme, elle était logiquement incapable de réfréner.

Mais il y avait, je le répète, au-dessus et à l'encontre de cette vaine et fausse philosophie, quelque chose de véritablement vivifant et excellent, une de ces raisons d'agir, que Dieu , dans ses conseils, ménage aux hommes pour les bien inspirer ; il y avait cette religion, cette foi en la libertéet en l'équité pour l'humanité, qui, quoiqu'elle ait été mêlée à bien des malheurs et à bien des crimes, n’en est pas moins venue, non pour la perte, mais pour le salut, mais pour le rachat de la société , mais pour la consécration par la loi et les mœurs de cette pure et douce maxime : Homo homini res sacra; au lieu de celle-ci qui l’est si peu : Homo homini lupus.

Là est le triomphe, l'honneur, la justification, ou le titre de gloire du xvms siècle; ils ne sont pas dans cette philosophie qui, rigoureusement, ne lui laissait ni le bien comme but, ni la liberté comme moyen, ni Dieu comme soutien ; qui ne lui laissait rien, et le privait de tout ce qui fait la grandeur et la vie des sociétés.

Telles sont les vues dans lesquelles j'ai étudié, analysé, discuté et jugé sévèrement peut-être, mais non inexactement ni injustement, le sensualisme du xvin siècle, et en même temps apprécié ce siècle lui-même, et le principe qui l'a dirigé.

J'ai besoin d'insister encore, et en variant mes termes , de mieux exprimer toute ma pensée.