Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales
20 MAI 1810. 275
port. Mais ce port, vous l’avez gâté de gaieté de cœur, vous l’avez parsemé de rescifs.
Saviez-vous pourquoi vous étiez le port de la Hollande? C’est que vous étiez le pacte d’une union éternelle avec la France, le lien d’une communauté d'intérêts avec moi ; et la Hollande, devenue par vous partie de mon empire, m'était aussi chère province, puisque je lui avais donné un prince qui était presque mon fils. Si vous eussiez été ce que vous deviez être, je prendrais autant d'intérêt à la Hollande qu’à la France ; sa prospérité me serait aussi à cœur que celle de la France ; et certes, en vous mettant sur le trône de la Hollande, j’avais cru y placer un citoyen français, aussi dévoué à la grandeur de la France et aussi jaloux que moi de ce qui intéresse la mère-patrie. Si vous aviez suivi ce plan de conduite, vous seriez aujourd’hui roi de six millions de sujets; j'aurais considéré le trône de Hollande comme un piédestal sur lequel j'aurais étendu Hambourg, Osnabruck, et une partie du nord de l’Allemagne, puisque c’eût eut été un noyau de peuple qui eût dépaysé davantage l'esprit allemand, ce qui est le premier but de ma politique. Bien loin de cela, vous avez suivi une route diamétralement opposée ; je me suis vu forcé de vous interdire la France et de m’emparer d’une partie de votre pays.
Vous ne dites pas un mot dans vos conseils, vous ne faites pas une confidence que tout ne soit connu, ne tourne contre vous et ne vous annulle ; car dans l’esprit des Hollandais vous n'êtes pour eux qu’un Français au milieu d’eux depuis quatre ans seulement ; ils ne voient en vous que moi, et l’avantage de se trouver à l’abri des voleurs et des agitateurs subalternes qui l’ont fatiguée depuis la conquête. Lorsque vous vous montrerez mauvais Français, vous êtes moins pour eux qu'un prince d'Orange, au sang duquel ils doivent le rang de nation et une longue suite de prospérité et de gloire. Il est prouvé à la Hollande que votre éloignement de la France leur à fait perdre ce qu’ils n'auraient pas perdu sous Schimmelpenninck, ni sous un prince d'Orange. Soyez d’abord Français et frère de l’empereur, et soyez sûr que vous serez dans le chemin des vrais intérêts de la Hollande. Mais pourquoi tout ceci? Le sort en est jeté, vous êtes incorrigible. Déjà vous voulez chasser le peu de Français qui vous restent; ce n’est ni des conseils, ni des avis, ni de l’affection qu’il faut vous montrer, mais la menace et la force. Qu'est-ce que ces prières et ces
jeûnes mystérieux que vous avez ordonnés? Louis, vous ne voulez 18.