Oeuvres diverses
de sang à la France? La jeunesse aurait-elle donc la chlorose à ce point de ne témoigner d'intérêt qu'au bourreau qui se blesse avec sa hache, à la reine qui se brise le front avec sa couronne ?
Il ne s’agit pas d'Hébert, il ne s’agit pas d’idoles : les nôtres sont la vérité et la justice, et nous sommes prêts à tout sacrilier pour elles; il ne s'agit pas d’un homme, mais d’une idée. Ce qui est en question, c’est l’âme et Ja vie même de la Révolution, le souffle qui remuait les foules, le battement de cœur, terrible comme le tocsin, qui, sans relâche, précipitait des héros et des bataillons.
En vérité, le miracle de la multiplication des pains s’est reproduit pour la Révolution. Chacun s’en fabrique à sa guise, et les bateleurs, à tous les coins du carrefour, affublant une ballerine d’oripeaux bariolés, crient à la foule ébahie : « Voilà la véritable, voilà la seule, voilà celle qu’il faut choisir ! »
La Révolution n’est pas cette tragédienne, élève de Talma, si savante à débiter des tirades classiques ; cette statue de marbre au profil grec sous un bonnet bien posé, à la blanche tunique vierge de souillures : tant de sérénité, demandent du loisir et des rentes. Celle qui surgit un jour sous le pied du peuple, comme le coursier de Neptune, c’est toujours la forte femme d’Auguste Barbier, la sauvage héroïne des barricades, fixée par Delacroix sur son admirable toile du Luxembourg ; c’est la fille fougueuse, debout en haillons sur les pierres de la Bastille, et dont le poing fermé, menace le ciel et les palais, dont la colère se rue comme la tempête.
Certes, le visage est have quand on jeûne depuis des siècles, la voix est rauque quand elle s’indigne des souffrances de l'humanité. Le sein rugit, lorsqu'il est plein de la soif de la justice, et la main ni l'esprit ne reculent, lorsque devant eux, laissé aux hasard de l’in-