Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 17

la sienne propre ? « Et moi aussi, disait-il vers la fin de 1789 à Montlosier, j'ai eu confiance au peuple; je me suis bien trompé, le roi que je maudissais est un ange, le peuple que j'invoquais est une furie. Au surplus, rassurez-vous, fout ceci finira par un arrêt du parlement. » Avant 89, il réclame avec violence des réformes et la cour le considère comme un factieux ; après 89, il défend l’ancien régime, trouve Maury trop modéré, le peuple le traite de renégat, ses collègues le huent, un député propose de renvoyer un de ses projets au comité d’aliénation et on lui jette au visage le sobriquet de fou de l’Assemblée; lui-même ne se gênait point pour appeler le président un Jean foutre. Au moment demonter dans la charrette avec Chapelier qui l'avait vivement combattu à la Constituante, celuici lui adressa la parole : « Monsieur, on nous donne avant nos derniers moments un terrible problème à résoudre. — Quel problème ? Celui de savoir, quand nous serons sur la charrette, auquel des deux s’adresseront les huées.—A tous les deux, » repartit d'Esprémesnil. Il disait vrai, car la populace n’y regarde pas de si près : point de distinction ; le fanatisme admiratif ou la mort : et celui qui faisait des réserves, paraissait aussi coupable que celui qui dès le début avait affiché sa haine en bloc.