Orateurs et tribuns 1789-1794

38 ORATEURS ET TRIBUNS.

discuter une loi, excellant à condenser sa pensée, à coordonner ses arguments, mais étranger aux inspirations, aux vues de l’homme d'État, et abandonnant à d’autres la gloriole des incidents tumultueux, les intrigues de couloirs, la bruyante popularité des clubs. Sa logique, dit Michelet, tranchait les nœuds où les plus forts semblaient s’embrouiller. Au besoin il improvise, et sait retourner contre l'agresseur l’aiguillon de sa propre ironie; « M. l’abbé Maury, s’écriail-il, m'a accusé dans sa très pompeuse péroraison, d’avoir arrangé des phrases; je ne m'en attribue pas le mérite; l’honneur en reste aux yeux des connaisseurs, à M. l'abbé Maury. » Tel fut le préambule du discours où il formula sa théorie sur les personnalités civiles, création de la loi, que la loi peut, selon lui, anéantir.

Veut-on un spécimen de son argumentation quand il s’avise de combiner l'ironie et la logique, quand, par exemple, il veut démontrer que l'instruction criminelle devant le jury doit être écrite? « Un homme était accusé par deux témoins d’un assassinat; c'était, disaient-ils, à la faveur du clair de lune qu'ils avaient vu commettre le crime. L’accusé allait être condamné au supplice. On consulte l’almanach, il n’y avait pas eu de clair de lune ce jour-là. Retranchez la déposition écrite, et dites-moi comment on aurait pu punir ces deux faux témoins. Ce n’est pas là ce que nous avons répondu, auraient-ils dit. » Thouret ne s'arrête pas au déluge, sans doute parce que les monuments juridiques