Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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amener le peuple à une fureur égale à celle qui les dévorait. Paris avait été nourri, par Les tyrans, aux dépens de toute la France. Cesser tout-à-coup une largesse si imprudente et si cruelle dans ses effets, était une mesure qu'on ne pouvait envisager sans frémir : on songea du moins à la modérer, en diminuant de moitié la distribution. Boissy-d’Anglas eut le courage de le proposer à l'assemblée. Il garantissaità cette condition les subsistances de Paris. Les jacobins s’indignèrent, la convention écouta les jacobins : alors le mal s’acerut par les mesures prises pour le détourner. On ne voyait de toutes parts que des agens de la convention qui tentaient, par des prodigalités sans bornes, l'avarice des fermiers, et satisfaisaient leur propre cupidité. Paris qu'on avait voulu exempter du fléau commun à tous les départemens, fut réduit aux extrémités d’une ville assiégée : pendant plusieurs jours, chaque habitant ne recut que deux onces d’un pain noir.

Au milieu des cris de souffrance du peuple, quand la convention avait tout à craindre de son désespoir, elle n’osait s’environner d’un appareil de force; elle s’occupait alors avec lenteur de l'accusation qui avait été rénouvelée contre sept membres des anciens comités de salut public et de sûreté générale, Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, Barrère, Fadier, Amar, David et PVoulland. Elle avait décrété qu'il v avait lieu à examiner la conduite des quatre premiers; elle balancçait à les mettre en accusation : ils trouvaient dans lassemblée des défenseurs nombreux. Carnot entreprit de les justifier : on croit qu'il avait été protégé par eux contre la baïne de Robespierre. L’assemblée balançait.

Mais ces hommes coupables, dans leur trouble, se peignaient leurs dangers plus certains et plus pressans qu'ils ne l'étaient, ils crurent qu’une insurrection pouvait seule les sauver. Leurs partisans n'osèrent parler d'eux au peuple; ils craignirent d'ajouter un autre prétexte à celui de la faim ; ils soulevèrent six ou sept cents femmes; autant d'ouvriers : Venez, dirent-ils, demander du pain à la convention. C'était un spectacle tout-à-la-fois hideux et lamentable que celui de l'atiroupement qui, le 12 germinal, forca les portes de la convention et remplit son enceinte : peut-être n’y avait-il qu'un petit nombre de ces malheureux qui n’eût point figuré dans Îles scèries sanglantes de la révolution ; mais leurs souffrances, qu'on ne pouvait méconnaître, détournaient lä pensée de léurs excès précédens. Tant qu’ils ne demandèrent que du pain , il semblait inhumain de les repousser avec dés répouses sévères: mais l'intention de leurs chefs éclata bientôt dans les cris qu'ils poussèrent : Du pain et la constitution de 93 ! La montagne répond à ces cris. Rendez au