Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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s'étaient souillés d'aucun meurtre : ils conservèrent jusqu’à la fin ce respect pour les lois et ce puissant effort sur leurs passions. Ce’ fut des décombres de Lyon que sortit une vengeance effrénée, qui bientôt se répandit dans des villes long-temps ensanglantées. Le Rhône roula encore denouvelles victimes. Des hommes furieux, conduits par de sanguinaires aventuriers, troublèrent par des massacres l'ordresocial à peine rétabli. Lyon, immortalisé par la résistance la plus héroïque et la plus malheureuse, vit dans ses murs les horreurs de la Glacière d'Avignon et du 2 septembre. Des milliers d'hommes actifs, industrieux, étaient rentrés dans Lyon depuis le 9 thermidor : ceux qui, pendant l'absence, avaient pu douter de l'étendue de leurs pertes, trouvaient , à leur retour, leurs ateliers renversés , leurs maisons démolies, leurs familles éteintes, et les délateurs et les proscripteurs encore présens. Avec eux aussi entraient dans cette ville des hommes avides de bouleversement, qui détestaient tout de la révolution, et qui craignaient sur-tout la marche plus paisible qu’on voulait alors lui donner. Dans Lyon, ils échappaient facilement à une surveillance d’ailleurs gênante. Leurs cris se confondaient avec ceux du désespoir, du ressentiment commun. Le décret qui exilait Collot-d’Herbois ne parut aux Lyonnais qu’une impunité accordée au monstre qui s’était baigné dans leur sang. Leur fureur n’en devint que plus vive contre tous les satellites de sa barbarie. Plusieurs avaient été arrêtés. Un tribunal allait prononcer sur un homme regardé comme l'un des plus exécrables dénonciateurs employés par la commission temporaire. Le public s'était porté en foule pour entendre, ou plutôt pour commander ce jugement. Déjà on avait murmuré de la faiblesse du tribunal à l'égard d’autres accusés. La salle était entourée de soidats. La foule crut entendre qu’on leur donnait l’ordre de charger leurs armes. Le peuple s’émut, le sang fut près de couler. Soit que ce fût l’effet d’une fureur subitement allumée , soit que la vengeance eût prémédité un crime, un nombreux rassemblement se porta sur la prison voisine du tribunal. La garde qui la défend est forcée. On arrache, on entraîne les prisonniers ; des furieux se rendent juges et bourreaux des prisonniers. L'assassin qui les frappe leur crie : Meurs, assassin ! Les noms d’un père, d’un frère, d’une mère, d’une sœur, sont invoqués par les auteurs de ces meurtres. Ils se répandent dans la ville les bras ensanglantés. Leur fureur n’est point assouvie; elle est encore excitée par la vue des soldats qui marchent à la défense des autres prisons. Ils semblent désirer un combat pour rendre leurs coups moins vils, Le peuple s’est joint à eux ; leur masse devient irrésisti-