Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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régimens francais. Il avait mis à leur tête des hommes d’une naissance illustre , et quelques-uns d’un courage éprouvé. Mais les élémens de ces corps offraient un contraste qui seul eût sufhi pour faire présager un événement sinistre. C’étaient , d’un côté, les officiers les plus distingués de la marine française , que l’inflexible orgueil de leur corps et les fausses mesures , soit des assemblées, soit des ministres, avaient fait émigrer ; hommes ardens , encore fiers de quelques combats glorieux que , dans la guerre précédente, ils avaient soutenus contre la marine anglaise : importunés d’un long repos et des secours accordés par des Anglais à leur misère , ils se précipitèrent aveuglément dans les rangs de ces légions nouvelles. C’étaient, d’un autre côté, des soldats et des matelots français qui avaient été pris, soit dans les rencontres malheureuses de nos escadres avec celles de l'Angleterre , soit à bord de quelques corsaires ; prisonniers turbulens, dangereux, qui bravaient et chaque jour faisaient accroître les rigueurs de leur captivité. Peutêtre plusieurs d’entre eux témoignèrent-ils un feint empressement pour se joindre à une expédition qui les rendait à leur patrie. Mais , si on en croit leurs déclarations , ils y furent forcés par la plus stupide ou la plus perfide violence.

Ces défenseurs de la cause des Bourbons, étant ainsi réunis, mettent à la voile.

L’escadre anglaise qui devait protéger cette expédition avait rencontré, auprès de Lorient, une flotte francaise qui était sortie pour surveiller ses mouvemens, l’avait battue et lui avait enlevé trois vaisseaux de ligne. Elle s’unit à la flottille sur laquelle était l’armée de débarquement, qui s'élevait à-peu-près à sept mille hommes, et qui était parfaitement approvisionnée.

L'heureux présage que les émigrés pouvaient tirer de ce nouveau succès maritime des Anglais fut bientôt détourné par un fâcheux événement. Une révolte éclata à bord même de la flottille. Les prisonniers français étaient à peine entrés dans les navires, qu’ils parlèrent de s’en rendre maîtres, de les conduire en France, de massacrer ou de livrer leurs chefs. Des violences suivirent de bien près leurs menaces. Cependant plusieurs d’entre eux, retenus par quelque pitié ou par quelque crainte, gardèrent une sorte de neutralité entre les émigrés et leurs compagnons. La révolte fut réprimée et punie. On condamna à mort quatorze soldats qu’on voulut regarder comme les chefs du complot. Ils moururent en appelant et en prophétisant le désastre de cette expédition. Leurs amis gardaient un silence farouche.

Dans la nuit du 8 au 9 messidor de lan 3, la descente