Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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la campagne de 1795 , avait développé des plans très étendus , en concevait de plus vastes encore, et s’étudiait à mettre en harmonie les mouvemens des quatre armées, que séparaient les plus hautes montagnes de l'Europe , de grauds fleuves , et plusde trois centslieues de distance. Celle du général Jourdan campait dans le Hunsruck : on l’estimait forte de cent vingt-cinq mille combattans. Flle était appuyée par celle du Nord, commandée par le général Bournonville, dont la destination principale était de surveiller la ligne de neutralité du roi de Prusse. L'armée du Rhin était sous les ordres du général Moreau , qui déjà avait rétabli la discipline dont Pichegru avait relâché tous les ressorts. Jourdan et Moreau devaient prendre l’offensive en même temps et passer le Rhin sur différens points. Leurs attaques combinées eurent tant d’impétuosité et de succès, que les Autrichiens abandonnèrent tout le pays dont la victoire de Clairfait les avait mis en possession, et n’eurent plus de ressource que de se retrancher à Altenkirchen. Ils y furent forcés par le général de division Collaud, qui leur fit, au pas de charge, quatre mille prisonniers. L’archiduc Charles et Wurmser se retirèrent sur la rive droite du Rhin. Dans les derniers jours de prairial, toute l’armée du général Jourdan avait passé le fleuve, à l'exception de quarante mille hommes réservés pour le blocus de Mayence. Le général Moreau, qui s'était proposé de passer le Rhin, à Kell, ne pouvait y parvenir qu’en cachant son projet aux Autrichiens, qui, maîtres de Kell , en avaient coupé le pont , et se tenaient en force sur l’autre rive. Il attaque les Autrichiens sur différens points: il fait des marches et des contre-marches ; il donne à l’ennemi, par des transfuges, des avis qui le trompent. Il feint de détacher de son armée dix mille hommes qui se rendent en Italie. Tous les préparatifs du passage s’exécutent dans Strasbourg, dont les portes sont fermées. Le général Desaix, chargé de cette glorieuse entreprise , la veille du jour où il devait l’exécuter , se trouvait encore à Manheiïm occupé à parlementer avec les Autrichiens , qui, déjà effrayés, redemandaient l'armistice; et Moreau se servait de cette négociation comme d’un voile à ses projets. Tout est prêt : les troupes sont rassemblées sur le rivage. C’est à qui sera admis à l’honneur de s’embarquer sur un petit nombre de bateaux qui vont attaquer les îles du Rhin, toutes bordées de retranchemens. La nuit et le silence favorisaient cette entreprise ; mais la vue du fleuve était effrayante : une crue d’eau inopinée menacçait de submersion les bateaux qui portaient deux mille cinq cents Français. Les îles sont abordées, attaquées , emportées à la baïonnette. Les Autrichiens, à