Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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frénésie révolutionnaire. La populace de Londres était elle= même agitée de passions sombres, qui faisaient craindre, non des mouvemens séditieux, mais une véritable insurrection. La banque retardait ses paiemens ; les villes maoufacturières faisaient entendre des cris de souffrance , et même de révolte. Un esprit publie exercé depuis plus d’un siècle à une méditation forte, à des calculs positifs, à l’art de calmer les passions par les vues de l’intérêt même, en moins de trois mois conjura cet orage. L'ascendant de Pitt créa l'espèce de dictature que demandaient des circonstances si difficiles. L'opposition parlementaire se ralentit du moment où celle du peuple prit de la violence. Les vieux marins, et sur-tout l'amiral Howe , émurent, par l'autorité de leurs anciennes victoires et de leurs cheveux blancs, les matelots mutinés, qui furent bientôt amenés à livrer les chefs de la sédition. Les troubles de l'Irlande furent réprimés. Ce malheureux pays recut à-la-fois des châtimens sévères et de flatteuses espérances pour l'avenir.

Le gouvernement anglais, à peine délivré de ses alarmes domestiques , fit jouer auprès du cabinet de Vienne tous les ressorts de sa politique, pour l’engager à soutenir une guerre qui, chaque année , lui enlevait quelques-unes de ses provinces. Il 'attacha sur-tout à lui rendre quelque espoir, par des négociations qu’il ouvrit avec la France sur un plan très-artiBcieux. IL envoya deux fois le lord Malmesbury auprès du directoire, avec le titre d’ambassadeur. La première mission de cet homme d'état fut si courte , eut si peu de succès et de dignité, qu'on crut à Paris qu'il n'avait eu d’autre objet que de venir prendre des renseignemens sur l’état des partis, et sur le mouvement de nos flottes. Cependant le lord Malmesbury avait parlé de compensations. Il avait mis en balance les conquêtes que les Anglais avaient faites dans les colonies avec celles qui avaient reculé si loin nos limites sur le continent. Il offrait et demandait des restitutions de part et d’autre. Cette proposition , qui devait paraître dérisoire au gouvernement français, séduisit le cabinet de Vienne par une feinte magnanimité.

Malgré deux armistices successivement accordés à l’Autriche , et malgré quelques apparences de négociations avec l'Angleterre , le désir de la paix n’était sincère chez aucune des trois puissances belligérantes. L'Angleterre ne pouvait consentir à laisser dans la possession de la France les provinces belgiques; elle craignaïit sur-tout la prodigieuse activité que les Français avaient due à leur révolution même : manqueraient-ils de l'appliquer à la renaissance de leur commerce et de leur marine, si la paix le leur permettait ? l'Au-