Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

14 INTRODUCTION.

circonstances, de trouver un nouveau Malborough : il ne s’en offrit point. L’armée anglaise ne parut sur le continent que pour éprouver des défaites et pour troubler les mouvemens des grandes armées de la ligue. Ce que Pitt prévit le mieux, c’est que la révolution française ne serait point calmée par la guerre ; et cependant il ne cessa de tenir sous les armes tous les états qui eurent recours à sa fatale assistance. Quand on croyaït son attention dirigée vers le rétablissement d’un trône antique et vers Vaffermissement de tous les autres, il s’occupait de la conquête d’îles à sucre, d’îles à épiceries. Quand les alliés remportaient quelques succès importans, Pitt calculait ; quand ils étaient battus et poursuivis jusque dans leur capitale , Pitt calculait encore. Les royalistes de la Vendée étaient-ils victorieux sur tous les points de leur petil territoire, Pitt les négligeait; étaient-ils vaincus et pacifiés, il leur prodiguait l'or, les secours et les promesses. Jamais il ne voulut marquer un but à la coalition. On ne savait s’il servait sincèrement la branche aînée des Bourbons ; au moins paraissait-il négliger les frères de Louis XVI. On le soupconnait d’avoir encouragé de bonne heure les complots de la faction d'Orléans. Si le due d’'Yorck eût été plus 1eureux dans ses armes, peut-être Pitt aurait-il osé le y roposer pour chef d’une monarchie constitutionnelle en France. Les discours obscurs de ce ministre , son caractère profond , concentré , appelaient et défiaient toutes les conjectures. Le lord Grenville et M. Windham montraient plus de franchise dans leur attachement à la cause des Bourbons et des émigrés. Il est vraisemblable que Pitt se plaisait à faire annoncer par eux à l'Europe des projets désintéressés , auxquels il substituait des entreprises dont le commerce et la puissance maritime des Anglais devaient seuls profiter.

Présentons maintenant Pitt sous un autre aspect. L’Angleterre n’eut jamais un ministre plus passionné pour ses intérêts, en supposant que, sur la fin du dix-huitième siècle et en Europe, les intérêts d’une nation eussent pu se séparer de. ceux de toutes les autres. Son administration intérieure n’était point seulement un modèle d’habileté, elle offrait un exemple plus admirable encore de probité et de désintéressement. Il contenait ses ennemis sans les opprimer. Homme puissant, il ne calomnia nine persécuta jamais le rival qui avait vainement tenté de lui disputer le pouvoir , et qui avait réussi à balancer sa réputation, M. Fox. La pureté et la noblesse de son éloquence annoncçaient une ame élevée. Ministre d’an roi dont la