Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

LE COMTE DE PROVENCE ET MADAME DE BALBI. 217

et moi. M. le Régent, après avoir lu la lettre, me la glisse dans la main d’un air assez altéré. Quelle est ma surprise et mon indignation lorsque je vois que Mme de Balbi est en route pour arriver! Les médecins lui ordonnaient l’air d'Italie; après avoir passé trois semaines ou un mois à Vérone, elle ne savait pas bien où elle irait s'établir. Le sang me bouillant aussitôt dans les veines, je lis et relis cette lettre pour me convaincre et, à la fois, prendre le temps de composer môn visage. Je la rends à Monsieur en lui serrant la main et après m'être promené dans la chambre d'une manière sûrement trop signifiante, je passe dans son cabinet.

Il m'y suit et presque aussitôt me dit :

«Mon ami, au nom de Dieu, calmez-vous.

« — Me calmer en voyant pareille impudence », lui dis-je.

« Et je m’expliquai sans aucun détour.

« C’est une indignité. Elle prétend donc faire de vous un manteau ou plutôt, ne vous ayant donné jusqu’à présent que la moitié de sa honte, elle vient vous l’apporter tout entière. Cette infamie ne s’accomplira pas, ou du moins je n’en serai

pas le témoin. Ah! mon cher maître, ajoutai-je,