Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

LE COMTE DE PROVENCE ET MADAME DE BALBI. 219

me laisse pas la faculté de rassembler deux idées. Allez, nous nous reverrons... J'ai besoin d'être seul. »

Cette scène pathétique avait abattu le maître et le serviteur. Quand ils se retrouvèrent, quelques instants après, ils étaient plus calmes l’un et l’autre. D’Avaray avait confié au comte de Damas ce qu'il venait de faire, en ajoutant qu'il irait servir à l’armée de Condé plutôt que d’autoriser par sa présence « cette honteuse réunion », et Damas s’était jeté à son cou, en s’écriant que leur prince était bien heureux d’avoir un ami aussi véritablement attaché à sa gloire. Quant à Monsieur, il avait pris la résolution d’aller jusqu’au bout dans ce que lui commandait l'honneur.

« Cette réunion est sans doute impossible, dit-il à d'Avaray, je le sens comme vous. De quelque façon que ceci tourne, il faut détruire l'habitude et le charme de ma vie. Je vous remercie de m'avoir parlé comme un ami courageux et fidèle devait le faire. »

Après une telle déclaration, le reste n’était plus rien. Pour empêcher Mme de Balbi d'arriver à Vérone, pour lui signifier son congé, et pour conjurer toute tentative nouvelle de sa part, il ne