Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

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mirent à d'Avaray de retenir son maître au bord du gouffre où risquait de sombrer la dignité royale. En 1791, il lui avait sauvé la vie; en 1794, il lui sauvait l'honneur.

En terminant le récit de cette suggestive et piquante aventure, d'Avaray s'excuse, auprès de ses futurs lecteurs, d’être entré dans d’aussi longs détails, tout en faisant remarquer qu'ils étaient nécessaires pour éviter qu'on ne l’accusât de n'avoir pas voulu tout dire. Ce que, toutefois, il ne dit pas, mais, ce que les circonstances ulté-

dèrent bientôt à supprimer ce subside. Cependant, vers la fin de 1800, il lui accordait un « léger secours » pour l'aider à payer ses dettes. Mais il refusait de rétablir un traitement fixe. Elle lui écrivit de Londres une lettre éplorée, faisant appel à d'anciens souvenirs et avouant que si le duc de Glocester, frère du roi d'Angleterre, « qui l’honore de son amitié », ne lui avait fait accepter cent vingt-cinq louis, elle n’aurait pu songer à passer en France où l’appelaient ses affaires. Elle suppliait le roi de la mettre au moins à même de rembourser ce prêt. En renvoyant celte lettre à d’Avaray, le roi écrit : « Est-ce que si mon ami était à la place de Mme de B..., il faufilerait à cet excès? J'ai bien envie de laisser à Son Altesse Royale le duc de Glocester le bénéfice entier de sa bonne œuvre. » Le prince anglais fut cependant remboursé. Mais l’ancien traitement de Mme de Balbi ne fut pas rétabli.

Rentrée en France sous le Consulat, elle s'agita et commit tant d’imprudences qu’elle fut arrêtée comme royaliste, incarcérée au Temple et internée ensuite à Montauban d'où plus tard elle alla se fixer à Versailles. Elle mourut le 3 avril 1842. Sous la Restauratien, elle avait essayé de rentrer en grâce, et Louis XVIII avait refusé de la revoir. Mais il lui avait accordé une pension annuelle de 12 000 francs sur sa cassette. (Registres de la maison du Roi. Archives nationales.)