Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits
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de sa conduite entière, prouvaient qu'il n’était pas l’ennemi du peuple, l'ennemi de la liberté et de l'égalité, et que jamais il n’entra dans sa pensée de corrompre l’esprit public. J'étais, dit-il, sincèrement attaché à nos lois, à notre Constitution, parce qu'elles faisaient notre bonheur; je respectais nos magistrats, parce qu'ils étaient dignes d’être les ministres d'un peuple libre. Il terminait son éloquenie défense par une péroraison qui troublait l'âme de ceux qui l’écoutaient, lorsqu'un des juges l’interrompt et lui dit d’une voix de Stentor : « Tu as été l’a» vocat de celui qui a assassiné le peuple. Dans ton » plaidoyer, tu l'as appelé Brutus. Ton éloquence, tous
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tes talents ont été consacrés à servir les aristocrates, » et à avilir une nation généreuse qui faisait de grands » efforts pour terrasser ses ennemis : qu'as-tu à répon» dre? »
Ceci mérite une petite explication. On avait mis au nombre des juges, Mottu, un des frères de celui qui avait été tué par Bourdillat dans une rixe particulière. Pour engager les révolutionnaires à faire ce choix, les meneurs avaient répandu dans les clubs qu'il était convenable de l’élire ainsi que plusieurs de ses semblables; ei cela, pour faire connaître aux plus emportés qu'il n’était pas aussi facile qu'ils se l’imaginaient de contribuer au bien du peuple. Cette perfidie eut tout le succès possible. De Rochemont avait pris la défense du meurtrier. Le ressouvenir de son plaidoyer n’était pas effacé. Un pareil choix était donc un arrêt de mort contre lui.
Cette furieuse apostrophe ne l'intimida point, mais elle lui fit sentir que la guerre qu'on lui déclarait était celle que le loup avait faite à l'agneau. Imposant si-