Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits
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La conduite partiale et grossière du tribunal ne permettait pas de croire que son dessein, en admettant les prévenus à plaider leur cause par-devant lui, fût de s’instruire, afin de juger avec connaissance de cause. Il était trop acharné contre eux, pour qu'on espérât que la voix de la justice se ferait entendre. Cette espèce d'instruction judiciaire n'avait donc été imaginée que dans le but d'en imposer au peuple qu'on trompe si facilement. Le premier acte de cetie horrible tragédie se trouvant achevé, et les prévenus conduits dans les prisons publiques comme d’insignes malfaiteurs, le tribunal procéda aux jugements. Chaque membre donna son vote en secret, par billet blanc ou noir, conformément à un arrêlé que le tribunal avait pris.
Dès le lendemain au matin, les juges se rendirent seuls dans une pièce voisine de la salle où ils tenaient leurs séances, et travaillèrent au déchiffrement des cartons. Déjà les prétendus agents de l'aristocratie étaient condamnés à mort, lorsque le résultat de celui de Cayla transporta de fureur une partie contre l’autre. Comment, disaient les plus altérés de sang, un des chefs de l'aristocratie ne sera que banni, tandis que les autres, moins coupables, sont condamnés à morl? La mort pour tous! la mort pour tous! Ces cris funèbres étaient accompagnés d’horribles imprécations contre ceux qui soutenaient la liberté des opinions. Au milieu des injures et des menaces qu'ils se prodiguaient, un juge profita de ce vacarme pour avertir leurs janissaires qui étaient aux écoutes. Citoyens, leur dit-il avec véhémence, nous sommes trahis. On favorise les aristocrates ; ils échappent à la mort, et le sang de