Six lettres inédites de Gustaf Mauritz Armfelt à Francis d'Ivernois

16 ©. KaRMiIN et H. BrAUDErT B VIIL, :

car excepté quelques notions sur la Russie, elle ne contenoit rien qui puisse nous compromettre l’un et l’autre. — Je suis de retour dans ce pays ci depuis 15 jours et je n’attends que ma demission de tout service, pour aller à la campagne passer quelques mois — non seulement isolé, au milieu de mes anciens compatriotes et Cammerades, il me paroît encore que j'ai survecu à tout ce qui nous attache à notre propre existence et à celle de la Patrie... Le 20 de ce mois le Marechal Bernadotte fera son entrée dans cette Capitale.

J'ai très mal terminé mes propres affaires en Russie, car on n'y a ni argent, ni Crédit et par dessus cela une envie démésurée de traîner tout en longueur. — Quant à la Finlande, on a daigné prendre à cœur les doléances de ses habitans que j'ai porté aux pieds du Throne et cela suffit pour me consoler de ce que ce voyage m'a coutté d'argent et d’ennuie.

J'ai aussi bien vûe de três près la maniere dont on fait les affaires importantes de ce Pays là et je n'ai pa eu de peines à concevoir, qu'avec des ressources énormes, cet Empire s'écroule pour ainsi dire, sans avoir subi quelque violante secousse. L'armée n’est pas en si mauvais état qu’on le dit, les Arsenaux sont bien garnis et malgré la guerre de Turquie on tient les Regiments au complêt. Mais excepté Kaminsky (qui est un bon général) il n’y a que des hommes mediocres ou incapables de tout commandement, à commencer d'en haut. — Dans la famille imperiale le sort a cependant fait naître une Princesse qui ne cedera à Catherine II rien de la magie avec laquelle Elle opera tant de choses étonnantes avec des Russes, et certes Elle la surpassera en vertu et en principes. — C’est aussi l’idole de Ja Nation, et au nom de la Grande Duchesse Catherine, tout Russe s’agenouille. Cette femme jouera un grand rôle, si le Regime que Collincourt leur a prescrit dans ce Pays là ne précipite pas trop la dissolution de tout. La haine contre Bonaparte est si générale, si religieuse et si vive, qu'aucun Paysan ni Goujat peut entendre prononcer ce nom sans y ajouter Bjernamatt, qui est de tous les jurons le plus vilain — et on n’exagère pas en disant, qu’excepté l'Empereur, Romanzoff, Asackchieff et quelques Cour-