Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

44 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

gauche du passage. Arrivé avec mes pièces, je les établis à la droite du pont; mais de quel secours pouvaient-elles être contre des forces évidemment supérieures? Au moment même, un général français, commandant l'avant-garde, s’élance sur le pont en criant aux Autrichiens : « Arrêtez! Qu'’allez-vous faire! Ne tirez pas! La paix est signée! L’ignorez-vous? » Les généraux ennemis, surpris de cette nouvelle, restèrent immobiles. On courut avertir le Prince général en chef, et le général français, continuant de dire que la paix était faite, les persuada au point qu'ils retournèrent leurs pièces. Au même moment, les Grenadiers d’'Oudinot arrivèrent; Murat s’empressa de les porter en avant sur le pont.

Déjà près de 6000 hommes couvraient ce pont en colonne serrée, lorsque le prince autrichien s’avança à leur rencontre, pénétra au milieu d’eux et, arrivé avec peine sur le pont, s’écria : « Arrétez! Où est Murat?» Celui-ci se trouvait alors près de ma batterie : « Que signifie cela? lui crie le prince autrichien, qu'est-ce que ce bruit de paix? Je n’en ai aucune connaissance! » — « On nous annonce, il est vrai, dit Murat, que la paix est faite avec l'Autriche; n’en êtes-vous pas informé? Nous le croyons. Les Russes se sont, dit-on, séparés des Autrichiens. » — « Mais si la paix était faite réellement, répond le prince autrichien, j’en serais informé; il n’est pas possible qu’un tel fait se soit passé à mon insu : je le saurais. » — « Cela paraît