Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

56 SOUVENIRS D'OGTAVE LEVAVASSEUR

Ce n’est pas le nombre des combattants qui fait la force des armées, c’est leur esprit. La persuasion qu'on aura la victoire conduit à la victoire. Les précautions prises en vue d’une retraite communiquent au soldat les craintes du général en chef et altèrent l’impétuosité et le courage. L’esprit de la troupe est préférable à toutes les fortifications. Quand le soldat a l’idée de se battre à l'abri de remparts, il n’est plus bon que pour la défensive : il cesse d’être l’égal de l'ennemi qui, l'attaquant en plaine, n’a d'autre rempart que sa poitrine.

L'Empereur était pénétré de ces vérités. A Austerlitz, voulant à tout prix gagner la bataille, il ne prit pas de dispositions qui auraient pu altérer ce moral et donner au soldat l’idée de regarder en arrière; il savait qu'une armée française, qui marche au combat avec la pensée de la retraite, est à moitié battue.

Indépendamment de ces considérations, il régnait dans l’armée des préjugés qui prenaient un caractère différent selon les corps auxquels appartenaient les soldats.

Dans le service des bouches à feu, chaque canonnier à son emploi distinct : l’un bouche la lumière, l’autre charge, un troisième met le feu, un quatrième pointe, etc. La pensée que l’on pouvait être tué plus tôt, en occupant la place d’un camarade absent, faisait que tous ne manquaient jamais d’être à leur poste les jours de combat; ils