Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

66 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

salon nous séparait : c'était une femme de trente ans, recevant chez elle nombreuse compagnie. Nos grands succès militaires électrisaient la population de Vienne; nos grenadiers étaient considérés beaucoup plus que les propres généraux autrichiens. La pudeur allemande trouvait seule à s'offenser de l’usage indécent qu'ont les Français de satisfaire leurs besoins dans les rues.

On nous avait payé l'arrièré de’ nos appointements et nous reçûmes en outre des gratifications en billets de banque. Nous dépensämes follement cet argent.

Daru était gouverneur de Vienne. Get intendant général de l’armée s’était fait une réputation de dureté effroyable par la manière dont il levait la contribution imposée par l'Empereur. Cette contribution faisait jeter les hauts cris aux habitants; il ne fallait rien moins que la fermeté de Daru pour dompter leur résistance.

Mme de Bolza avait souvent à diner des personnes considérées de la capitale. Un jour, à table, l’un des convives se permit d’injurier Daru et l’armée française : je m’emportai au point de me iever de table, de provoquer les convives et de tout renverser, si bien que chacun s'enfuit, effrayé par mon audace. Je traitais, on le voit, Autrichiens et Saxons, en vainqueur : nous nous regardions tous dans nos logements comme chez nous. Dès ce moment, je perdis les bonnes grâces de la comtesse. Cependant, peu de jours après, elle vint me