Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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ces pièces n’était postérieure de quatre ans et la seconde de treize aux Mélanges confus sur des matières fort claires, libelle qui fait suite au Gazetier cuirassé. C'est là que Morande attaque de front l’un des abus les plus criants de l’ancien régime, l'attribution presque exclusive aux nobles des grades militaires : « On compte en France que, sur environ 200 colonels, tant d'infanterie, cavalerie que dragons, ilyena 180 qui savent danser et chanter des petits airs, à peu près le même nombre qui portent de la dentelle et des talons rouges, et la moitié au moins qui savent lire et signer leurs noms. On ajoute à ce calcul qu’il n’y en a pas quatre qui sachent les éléments de leur métier. » Et ailleurs : « Il est défendu aujourd’hui par les ordonnances militaires de recevoir un colonel en France, s’il n’a des talons rouges, une maîtresse à l'Opéra, un attelage anglais et cent mille écus de dettes. S'il se trouve deux concurrents, et que l’un d'eux sache danser l’allemande, il sera préféré. » Morande partageait le mépris de Molière pour les petits marquis. Il en donne une jolie définition : « Le nom de marquis à Paris n’est pas toujours, comme partout ailleurs, la marque de propriété d’une terre titrée qui donne le droit d’en porter le nom, c'est le plus souvent la qualité ima-