Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

CHÉVETEL 201 Bourgneuf portait le costume des gens du pays; mais sa tournure, son langage, son brillant fusil de chasse, ses mains que le travail n’avait point brunies, le faisaient assez remarquer. Jean Chouan seul paraissait le connaitre; c'en était assez pour que tout le monde s’empressät de lui obéir !. » Ainsi le marquis de la Rouërie se faisait la main en attendant l'heure de l’action générale : il chassait le bleu comme jadis, à son retour d'Amérique, il avait chassé le loup dans les bois de Gatines et de Blanchelande. Les paysans l’aimaient à cause de sa force et de son audace, et aussi pour sa franchise familière, sa gaîté et ses élans de brusque bonté. Il faisait d'eux ce qu'il voulait et, voyant leur dévouement, quasi bestial, qu’il comparait mélancoliquement aux prudentes tergiversations de quelques-uns de ses amis, il se reprenait à croire au triomphe de sa cause et se voyait déjà, tant son imagination romanesque était prompte aux revirements, entrant en vainqueur dans Paris, à la tète d’une armée de paysans à longs cheveux, à guèêtres de cuir, portant la faux sur l'épaule et chantant les vieux airs bretons.

1. On a dit que cet inconnu était Gavard; mais, outre que celui-ci était, nous l'avons dit, un paysan lui-même, il était trop populaire dans le pays du Bas-Maine pour que sa présence püt intriguer les villageois. Ce personnage mystérieux, que Jean Chouan seul paraissait connaître n’était certainement autre que le marquis de la Rouërie.