Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

218 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

descendre à la salle à manger pour prendre leur repas : c'était habituellement à ce moment que son domestique lisait à haute voix le journal. A l'heure dite, la gazette fut apportée : Saint-Pierre commença sa lecture. Sans doute, à son attitude embarrassée, où à l'hésitation du débit, le malade comprit qu'on lui cachait quelque chose. Il interrompit :

— J'ai soif, dit-il, va me chercher à boire; tu reprendras tout à l’heure!.

Saint-Pierre, troublé, obéit ; il sort, laissant le journal sur la cheminée, descend au vestibule, entre dans la salle à manger ; à peine en a-t-il ouvert la porte qu'un cri terrifiant retentit au premier étage : on entend le bruit d’une chute, des appels désespérés ; tous se lèvent de table, se jettent dans l'escalier, poussent la porte de la chambre du marquis, et le trouvent se débattant sur le plancher en proie à une exaltation effrayante, les yeux fous, le visage en sang, —il s'était, en tombant, fendu la lèvre inférieure?, — réclamant, dans son délire, son cheval, ses vêtements, ses armes, hurlant le nom du roi, qu'il voit devant lui, qui l'appelle à son secours et répondant à cette vision sinistre par des cris de rage etde douleur. Fontevieux, la Guyomarais, Loisel, Saint-Pierre

1. Souvenirs de Casimir de la Guyomarais. 2. Interrogatoire de Lemasson. — Archives nationales, W, 214.