Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

250 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

dans la chambre un objet boueux, sanguinolent, velu, horrible, qui vint heurter la jupe de M”° de la Guyomarais et roula sur le plancher. La malheureuse poussa un cri de terreur : elle avait reconnu la tête du marquis de la Rouërie; M. de la Guyomarais, indigné, repoussant les gendarmes qui le gardaient, s’élança pour soutenir sa femme : d’un geste, imposant silence aux ricanements des patriotes :

— Soit, il n’y a plus à nier, dit-il, voilà bien la noble tête de l’homme, qui si longtemps vous a fait trembler.

Et, se tournant vers Lalligand, tout glorieux de son coup de théâtre, il ajouta :

— Vous, Monsieur, vous êtes un lâche et votre action est monstrueuse!.

Il fut interrompu par les huées des soldats, les sanglots des jeunes filles se pressant autour de leur mère et par le tumulte qui suivit cette horrible scène... La tète du marquis, jetée dans le jardin, y fut ramassée par les gardes nationaux : un d’eux la planta au bout de sa baïonnette et, avec des rires et des chants, la troupe joyeuse suivit l’'épouvantable trophée promené dans les

1. Nous avons, pour le récit de ces scènes, résumé les interrogatoires transcrits dans le procès-verbal de Petithbon (Archives nationales, W, 274), en les rapprochant des Souvenirs de Casimir de la Guyomarais et des renseignements que nous à directement communiqués M'* Mathilde de la Guyomarais.