Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

254 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

Amaury de la Guyomarais; au fond, la façade du château avec ses hautes mansardes, son toit d’ardoise. Voilà les dalles du vestibule que heurtèrent les crosses des soldats; à gauche, le salon où roula, sur ce parquet, la tête du marquis de la Rouërie ; à droite, la salle à manger et, plus loin, avec ses lits, ses tables, ses bancs énormes de chène massif, vieux de deux siècles, l'immense cuisine où Burthe fit boire le jardinier et lui arracha son secret.

Du vestibule part le large escalier à lourde charpente de bois ; c’est par là qu’on descendit, dans cette terrible nuit de janvier, le corps du proscrit; le drap qui l’enveloppait a frôlé ces murs ; le pas alourdi des porteurs a résonné sur ces marches de chène; ils ont posé leur main sur cette rampe... Comme les choses parlent à ceux qui les interrogent ! Comme elles racontent, mieux que le plus éloquent des livres, les drames où elles ont joué un rôle !

Dans le demi-jour tombant des vitres à petits châssis, le couloir du premier étage est sinistre : là s'ouvre la chambre où mourut le marquis, rien n'y à été changé : sur ces poutres du plafond se sont arrèlés ses derniers regards; à cette place, devant la cheminée, Lalligand posa sa table : toutes ses victimes, appelées à comparaître, ont franchi, la gorge serrée, le cœur battant, cette