Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

268 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

Lalligand fit rentrer tous les prévenus dans le château, s'installa dans la salle du rez-de-chaussée, ct aussitôt les interrogatoires commencèrent. Tout d'abord comparurent les dames de Virel, d’Allerac et de la Fonchais, qu’il voulut questionner en présence de leur oncle Picot de Limoëlan, insinuant que celui-ci, « homme d'expérience et de sang-froid, saurait ouvrir dans ses réponses une ligne de défense que ses nièces n'auraient plus qu’à suivre! ». Il manœuvrait avec une incomparable virtuosité, trouvant le moyen d'éloigner Chévetel, offrant insidieusement ses services aux pauvres femmes affolées, cherchant à leur faire comprendre qu'il n’était pas intraitable et que son intégrité avait des limites ?. |

Que se passa-t-il dans ces entretiens mystérieux? Le procès-verbal est plein de lacunes ; mais une chose est certaine, c’est que Lalligand, ayant décou-

1 Journal de Rennes, 1841.

2. « Louis XVI avait envoyé, après la mort dévouée du jeune Desilles, comme témoignage de gratitude, son portrait et celui de la reine par M"° Lebrun. M. Desilles, fier du souvenir de son roi, avait dû néanmoins cacher ces toiles depuis la Loi qui proscrivait ces images. Un des agents mit la main sur le rouleau. Mr de Virel l'apercoit, et aussitôt, s'adressant bas à Morillon: « Ce sont les portraits du roi et de la reine, » dit-elle. Morillon, sans faire semblant d’avoir entendu, prend ce rouleau des mains des gendarmes, ne fait que le regarder sans le dérouler et s’écrie : « Encore ces vieilles figures! cela est bon à servir de jouet à la vieille mère folle! Mettons cela parmi ses effets. » C'est ainsi que furent sauvés ces portraits précieux à la famille Desilles qui les possède encore. » — Journal de Rennes, 1847.