Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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étaient nombreux, se seraient résignés, et les privilégiés, infime minorité, auraient, faute de par{isans, accepté la situation, si la persécution religieuse n’était venue aviver une aversion jusquelà toute platonique. On a dit, très justement, que la constitution civile du clergé avait été «une torche allumée sur un baril de poudre ». Ce fut la grande faute de la Révolution : les voltairiens et les jansénistes de la Constituante s’acharnèrent à la commettre, et Mirabeau qui les avait aidés dans cette œuvre néfaste, ne s'illusionnait pas sur Jes résultats: « — L'assemblée est en/errée, écrivait-il: si elle croit que la démission de vingt mille curés ne fera aucun effet dans le royaume, elle a d’étranges lunettes ! »

Dans les provinces de l'Ouest, l'exaspération fat d'autant plus vive que les sentiments religieux de la population étaient plus sincères. On vit le peuple des villages se presser autour de son curé, le conjurant de ne point abandonner sa paroisse : les églises étaient désertes quand lintrus disait la messe. Quels sentiments agitaient ces âmes simples de paysans, accoutumés à n’adorer Dieu que par l'intermédiaire du prêtre, quand ils voyaient leurs pasteurs forcés de fuir, poursuivis dans les forêts, traqués comme des bêtes fauves? Barruel cite des prêtres réduits à errer sans asile, tombant épuisés au bord des chemins. On retrou-