Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

INTRODUCTION. 7

d'Azara, il a été un « véritable charlatan (1) »; pour l'Autrichien Thugut, un «coquin fieffé (2) » . En Russie, Golovkine a vu en lui un « intrigant déhonté (3) », et Razoumowsky « le plus mauvais sujet qui existe sur le globe (4) » ; et cependant les plus habiles ont mis à profit ses talents, les plus puissants n’ont pas dédaigné de le combattre. Certaines chancelleries ont apprécié sa « plume de feu », certains salons ont cru à son éloquence et l'ont proclamé un grand homme. S'il s’est fait beaucoup d’ennemis, il a gardé en tout temps et partout des admirateurs sincères, des amis fidèles. En France il a connu, sans être considéré trop au-dessous d'eux, Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, Mirabeau et l'abbé Maury. À l'étranger, pendant les vingt dernières années de sa vie, il a été le confident, le correspondant ou l’auxiliaire de Louis XVIII, de la reine Marie-Caroline de Naples, de diplomates, de publicistes et hommes d'État de tout pays, de Thugut et de Cobenzl, de Panine et de Czartoryski, de Jean de Müller et de Gentz, d'Armfelt et de Canning. Sa vie, qui est celle d'un aventurier politique et littéraire, est donc en un certain sens l’histoire d'une caste, d'un parti, d’une époque. La noblesse française à la fin de l'ancien régime, la royauté des Bourbons poursuivie

(1) Fromenr, Précis de mes opérations, etc., p. 120.

(2) Vivexor, Vertrauliche Briefe des Freiherrn von Thugut, note 88 à la fin du 1* volume.

(3) Th. Gocovxxe, Souvenirs manuscrits. (G. P.)

(4) Wassivremkov, la Famille Razoumovsky (en russe), t. IT, p. #3T.