Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

Le 24 décembre 1802.

Le jour où je faisais la connaissance de Chénier, à l’Institut national, je me suis aussi trouvé en rapport avec Collin d'Harleville, Camus et Ginguené.

L’aimable auteur de l’Optimiste (1) et de tant d’autres jolies comédies est grand, maigre, avec un air un peu mélancolique. Très prévenant à mon égard, il m’a reproché, de la façon la. plus obligeante, mon refus d'écrire une partition sur la Colère d'Achille : lui-même, a-t-il dit, avait agi auprès de la direction de l'Opéra pour faire accepter un poème qui lui paraissait bon. C’est dans la belle bibliothèque de l’Institut que j'ai fait la rencontre de Camus, dont le visage et les allures très caractéristiques m'ont rappelé Sébastien Mercier. Il parlait avec animation des rapports qu'il est en train de rédiger sur ses tournées (2) faites dans les départements, avec une mis-

(1) L'Optimiste date de 1788. Le chef-d'œuvre de Collin d'Harleville, le Vieux Célibataire, est de 1792. Mort en 1806.

(2) C'est en qualité « d'archiviste national », situation qu'il a occupée de 1792 jusqu'à sa mort, en la cumulant avec celle « d’Archiviste du Corps législatif » à un certain moment, que Camus venait de faire sa tournée dans les départements. Il ne paraît pas avoir donné suite à un travail sur les révolutions. Ses passions jansénistes à part, Camus était, au dire de ses contemporains, un érudit

d'un commerce fort agréable. Mort d'un coup de sang, le 2 novembre 1804.