Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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sa famille. Si j'en juge d’après les robes de soie étalées sur divers sièges, Mmes Arth ne sont pas moins élégantes que monsieur, qui, lui, a la tournure d'un milord; —il m'a confié avoir résidé longtemps en Angleterre.

En fait de soins de leur personne et d’usage de linge fin, soigneusement blanchi, les Parisiens ont infiniment gagné. Si c’est à l’anglomanie, dont je les ai vus entichés, vers 1785, qu'ils doivent ici ce progrès, il serait une des rares conséquences de leur ancienne manie dont j'aurais à les féliciter.

Je reconnais une amélioration analogue dans la manière dont on se nourrit, même dans les classes inférieures. Un de mes amis et moi, nous nous sommes risqués chez un petit traiteur ayant une clientèle de perruquiers, de gens de maison et d’écurie. Il y avait, comme chez les grands restaurateurs, une carte écrite à la main indiquant une dizaine de plats de viande et de poisson, les prix inscrits en regard notablement réduits. La cuisine était naturellement peu recherchée, mais très mangeable., Aucun des consommateurs n’en était quitte à moins de deux à trois livres, vin compris, vin détestable par parenthèse; à un prix moindre, il eût été impossible de se rassasier. Ce chiffre est le triple de ce que dépensent chez nous pour leur nourriture les gens de même classe, et fort supérieur à celui auquel arrivaient autrefois ici les gens de service, très sobres, il faut le dire, à l’époque. Dans les cafés, où l'on ne peut se dispenser de faire un déjeuner à la fourchette, l'heure du diner variant de six à sept, je débourse en moyenne {rois livres.

Vous plaît-il de passer, suivant la coutume parisienne, du restaurant au théâtre? Entrons à Louvois (1); on y joue

(1) Le Théâtre Louvois, rue Louvois, ouvert le 5 mai 1801, avec une pièce intitulée : La petite maison de Thalie, titre qui excluait