Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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colonel, parmi lesquels des dames de sa parenté venues de Paris. La belle mine des promeneurs que nous croisions, l’air de santé d'une foule d'enfants qui jouaient justifient la réputation du climat de Saint-Germain. En revenant, nous avons traversé les bosquets qui mènent au pied du château. Son extérieur, d'aspect gothique, est assez imposant; mais, dès que l’on dépasse la porte, on est en présence de constructions irrégulières et de guingois; ce qu'il a été aménagé de coins et de recoins dans le vieil édifice pour loger les officiers célibataires est incroyable. Chez un lieutenant, j'ai trouvé une sorte de cabine en bois en entrant, puis une suite de petites pièces irrégulières prises sur une grande salle fort élevée (1). Comme compensation à l’étroitesse et à l’incommodité de ce campement, la plupart des fenêtres ouvrent sur la campagne et procurent une vue admirable. La situation du château est merveilleuse; si Louis XIV avait dépensé à Saint-Germain le quinzième des sommes qu’il a prodiguées à Versailles, il se fût assuré une résidence royale sans pareille.

Notre dîner de hussards a été fort gai. On a sablé le champagne avec le plus aimable entrain, tout en causant spirituellement. Il y avait quelques convives, braves mal dégrossis; mais la plupart étaient gens cultivés, de bon ton et d’agréable entretien. Le colonel avait à sa table un certain nombre de sous-officiers ; on ne les distinguait de leurs supérieurs que par l’uniforme ; l’un avait eu un duel le matin et portait le bras en écharpe. Sa présence à la table de son colonel m’a paru caractéristique de l'esprit de l’armée.

Ayant l'intention de visiter la Malmaison, nous avons

(1) Probablement la salle des fêtes.