Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 37

vaudan (1), agréable ténor et acteur intelligent; Solié (2), bonne basse chantante, étaient dignes de donner la réplique aux chanteuses. Le même soir, deux excellents comiques, Dozainville et Baptiste (3), se sont montrés dans le Valet de deux maitres, petit acte médiocrement musical du flûtiste Devienne (4), l'auteur plus heureux des Visitandines. I y a surabondance de talents parmi les artistes de cette scène.

Une seconde partition de Méhul ne m'a pas causé moins de plaisir que l’Ariodant : c’est Une Folie, pièce d'intrigue amusante, soutenue par une musique vive et spirituelle. KElleviou, Martin, Solié, Dozainville et Mile Pingenet l’ont aussi spirituellement jouée que bien chantée. À entendre mes voisins de l’orchestre, la pièce perd beaucoup par l'absence de Mlle Phillis (5), partie récemment pour Pétersbourg; elle serait sans rivale, paraît-il, dans les rôles de sentiment naïf. Elleviou est

(1) Gavaudan, ancien mousse, commençait à manquer de voix et son débit perdait de sa justesse; mais il conservait la chaleur qui séduit toujours le public et qui a maintenu son succès de 1791. année de son début à Montansier, jusqu'en 1816. (V. La tribu Gavaudam dans l'intéressant volume de A. Poux, Figures d'opéracomique. (2) Solié, de son nom Soulié ou Soulier, bon musicien, chanteur intelligent plutôt qu'habile vocaliste, phrasait avec ampleur. Il a écrit une vingtaine d'opéras-comiques; sa musique facile et ses mélodies un peu triviales plaisaient aux auditeurs du temps.

(3) Baptiste, frère de Baptiste, l'excellent acteur des Français. L'opérette le Valet de deux maîtres est de 1799.

(4) Devienne, instrumentiste distingué et instruit, à contribué efficacement à perfectionner les orchestres français; outre sa musique instrumentale, il a composé des opéras-comiques, dont quelques-uns remarquables par la fraicheur des idées et l'élégance du style. Tué par l'excès de travail, Devienne est mort fou en 1803.

(5) Phillis (Jeannette), second prix du Conservatoire en 1801, a quitté la scène après dix ans passés au Théâtre-Françuis de Pétersbourg. Une sœur cadette de Mlle Phillis a été la seconde femme de Boïeldieu.