À la recherche de la fortune du duc d'Orléans (1793-1794) : lettres inédites du général Montesquiou à Francis d'Ivernois
À LA RECHERCHE DE LA FORTUNE DU DUC D'ORLÉANS 3
de désagréments. Se voyant presque poursuivi, il vint me trouver, et pour ainsi dire se jetter dans mes bras. Il a vécu quelque témps chez moi tout à fait inconnu, et enfin, par des gens de mes amis, j'ai trouvé moyen de lui procurer un asile où il vit parfaitement ignoré de tout le monde excepté de moi. Il n’avait pas un sol, c'est moi qui lui ai prêté de l'argent, enfin je lui ai rendu tous les services possibles et de tout mon cœur, car je mai jamais connu un jeune homme plus intéressant. Voilà son père mort, et tout son bien confisqué, il n’y a rien à y voir pour le moment. Mais toute sa fortune n'était pas en France, Depuis dix ans il plaçait sans cesse en Angleterre, et l’on croit qu'il y possédait une somme très considérable. Il est très certain qu’il y a de plus mis tous ses diamants en sureté. Enfin j'ai lieu de croire que ce qu'il y a mis à couvert monte au moins à 10 ou à douze millions. Il n’est pas douteux que son fils aîné, seul libre, car ses deux frères sont prisonniers en France, a droit de recueillir cette succession. Mais il n’en connaît ni la nature, ni la quotité, ni le dépositaire. Les circonstances ne lui permettent pas d'y aller lui-même. Si je pouvais y aller sans inconvénient, je n’hésiterais pas à lui rendre cet important service. Mais ma situation ne me le permet guère plus qu’à lui. J’ai imaginé que vous pourriez me procurer l'homme dont nous avons besoin. Vous sentez bien qu’un service pareil ne serait pas sans une grande récompense, Il faudrait un homme qui connût bien Londres, et qui eût accès auprès des Ministres, un homme qui entendit les affaires et qui sût se dépêtrer des fripons. Sans connaître Du Roveray' que de réputation, j'ai pensé qu’il pourrait se charger de cette besogne, mais il faudrait que vous nous donnassiez un agent secondaire qui put venir me voir, prendre les renseignements que je pourrais lui donner, recevoir la procuration, et partir pour Londres où M. Du
1. Duroveray, ancien procureur général de la République de Genève, le collaborateur de Mirabeau. —O. K.