À la recherche de la fortune du duc d'Orléans (1793-1794) : lettres inédites du général Montesquiou à Francis d'Ivernois

À LA RECHERCHE DE LA FORTUNE DU DUC D'ORLÉANS 7

père. Je vis un jeune homme que son âge mettait à l'abri même du soupcon d’avoir eu la plus légère part aux projets vrais ou supposés de son père. J'avais eu précédemment occasion d'en parler à des gens qui avaient servi avec lui à l’armée du Nord. J'avais su qu’il s’y était montré l'exemple de l’ordre, des mœurs et de la discipline, qu'il y avait déployé le courage le plus brillant, et en même temps l’amour des principes, et l'indignation la plus prononcée contre les attentats qui déshonorent la France ; que c'était à cette facon de penser, si opposée à celle de son père, qu'il avait dû son décret d’accusation. Enfin je voyais, sous l’anathème des anarchistes français, réduit à la misère à l’âge de 19 ans, le même individu que j'avais vu destiné à une fortune supérieure à celle de beaucoup de souverains ; et dès que j'eus un peu causé avec lui, je lui trouvai une simplicité, une résignation, un courage qui m’auraient rendu indulgent s'il avait mérité quelques reproches, mais qui m'attachèrent infiniment à lui quand je vis qu'il n'en méritait aucun.

Mon premier soin fut celui de sa sûreté. Afin de dérouter les espions qui pouvaient l'observer, je le tins caché pendant plusieurs jours chez moi, où il n’était arrivé que de nuit. De là je lui fis entreprendre à pied, et seul, un long voyage dans toutes les montagnes de Suisse, ce qu'il a exécuté avec une force et une intelligence rares. Après ce voyage de près de quatre mois, qui l’a fait oublier, il est revenu chez moi avec les mêmes précautions que la première fois, y a été enfermé dix jours sans qu’on l'y ail même soupconné, et il s’est rendu de là dans un asile que j'ai eu le bonheur de lui procurer, où par sa conduite et par ses principes il a déjà obtenu l'estime et l'affection de ceux qui vivent avec lui et qui ne se doutent pas que c’est le premier prince du sang de France qui travaille avec eux pour gagner sa vie.

La mort de son père ne lui laisse pas même un débris