À la recherche de la fortune du duc d'Orléans (1793-1794) : lettres inédites du général Montesquiou à Francis d'Ivernois
6 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
M”° de Sillery, en Angleterre, s’est trouvée comprise dans la loi atroce portée contre les Émigrés, loi dont on n’a excepté que les enfants au dessous de 14 ans. Elle allait rentrer dans sa patrie, au moment où ce décret fut rendu. Elle n’a pu obtenir d'exception, et condamnée à mort avant d’avoir atteint l’âge de raison, elle s’est vue sans ressources, sans- protection, forcée de chercher un asile où elle püt trouver du moins un abri contre la rage de ses persécuteurs. Tel est l’état de cette malheureuse famille. Leur mère par un nouveau décret est arrêtée et va sans doute, nonobstant ses vertus et ses malheurs, partager la destinée commune à tous ceux qui en France offrent une dépouille à l’avidité des Jacobins.
Le Duc de Chartres qui, comme je vous l'ai dit, est le seul qui ait échappé avec sa jeune sœur, est venu en Suisse au mois de mai dernier, Son espérance était d’y vivre ignoré; mais Mme de Sillery, compagne nécessaire de sa sœur, puisqu'elle était cause de sa proscription, le fit bientôt reconnaître et en même temps fit rejaillir sur ses élèves l'effet de la prévention générale qui est répandue contre elle. M. le Duc de Chartres ne se trouvait qu'aceidentellement dans sa compagnie, et n'ayant eu d'autre intention que d’ensevelir sa douleur, depuis le jour où il avait eu le malheur d'apprendre que son père avait voté pour la mort du Roi, il se sépara de ses compagnes de voyage fort peu de temps après qu’il les eût aidées à traverser toute l'Allemagne pour se rendre en Suisse. Je me trouvais alors dans le voisinage du lieu où il était, Il ne me connaissait point du tout, mais il avait peutêtre entendu parler de moi en Suisse d’une manière favorable. Il avait besoin de conseil et d'appui. Il vint me trouver seul, sans aucun préliminaire, et m'exposa avec une franchise très noble et très intéressante l'horreur et les embarras de sa position. Je vis en lui le petitfils d'un homme dont j'avais été vingt ans l'ami, qui réclamait en sa faveur mon attachement pour son grand-